Au printemps 2025, le Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK Gent) consacre une exposition à l’œuvre de Jules De Bruycker (Gand 1870-1945). L’univers virevoltant, expressif et par moments fantasmagorique de l’artiste-observateur gantois prend vie à travers une vaste rétrospective de 150 dessins, aquarelles, gouaches, huiles et estampes.
Aujourd’hui, la plupart des amateurs connaissent surtout Jules de Bruycker l’aquafortiste. En plus de quarante ans de carrière, il a en effet laissé un ensemble de 300 estampes différentes et s’est révélé être un des graveurs les plus innovants de la première moitié du xxe siècle en Belgique. Mais De Bruycker n’était pas seulement un graveur d’exception. À ce jour, un aspect essentiel de son œuvre est resté largement dans l’ombre : ses dessins. C’est précisément l’œuvre dessiné de l’artiste que l’exposition veut mettre en lumière.
Le dessin a été le premier amour de De Bruycker, avant qu’il ne se consacre à l’eau-forte dans la trentaine. Dans ses dessins, nous découvrons un artiste protéiforme, qui a toujours un crayon et du papier sous la main pour croquer vite fait, bien fait, une impression de ce qu’il observe autour de lui dans la vie de tous les jours. En dehors de ces croquis, De Bruycker développe également certains thèmes dans des dessins autonomes plus grands, parfois même monumentaux. Gravures et dessins sont indissociables dans son œuvre. Souvent, il réutilise des motifs de ses dessins dans ses eaux-fortes, ou il intègre ultérieurement des éléments de ses eaux-fortes dans des dessins. Et si ses dessins sont moins connus, c’est aussi le cas de ses aquarelles, de ses gouaches et de ses quelques peintures à l’huile. Des œuvres qui montrent que De Bruycker ne fascine pas seulement en noir et blanc, mais qu’il brille également en couleur.
Sur le plan thématique, De Bruycker passe surtout auprès du grand public pour le maître de la caricature bienveillante, qu’il applique à son environnement direct. De Bruycker est un observateur hors pair de la façon dont l’être humain se comporte en groupe, mais aussi individuellement : en rue, au marché, au théâtre, à l’église. En quelques traits bien sentis, De Bruycker ramène les gens à l’essentiel. Ce faisant, il jette un regard acéré, parfois caricatural, voire implacable, sur les petitesses de son prochain ainsi que sur les siennes.
Dans son œuvre, nous découvrons une vie populaire foisonnante dans des dessins surchargés ou au contraire des personnages solitaires sur un fond abstrait. De Bruycker nous entraîne dans la liesse des fêtes et des cortèges populaires, mais nous confronte également à notre semblable vivant en marge de la société, à notre propre fragilité et aux plus vils instincts de l’être humain, comme en témoignent les dessins et estampes fantasmagoriques qu’il réalise pendant la Première Guerre mondiale, et dans lesquels il dénonce la folie et l’horreur de la guerre à travers des images spectrales infamantes.
En 150 œuvres exceptionnelles, le musée réintroduit l'artiste extraordinaire que fut Jules De Bruycker. 150 œuvres dans lesquelles la virtuosité technique de l’artiste s’étale au grand jour, mais dans lesquelles également son incroyable sens de l’observation s’accompagne d’une originalité débordante, des caractéristiques qui font de Jules De Bruycker un artiste absolument unique et authentique. Pour cette exposition, le musée puise dans sa propre collection, riche et variée, d’œuvres de De Bruycker, tout en présentant par ailleurs de nombreuses œuvres issues de collections particulières.