Ga naar inhoud (Enter)

Sex, Drugs, and Roquairol

12 Erich Heckel Roquairol 1917 Brücke Museum Foto Nick Ash
Erich Heckel, 'Roquairol', 1917, Brücke-Museum, Photo: Nick Ash, © VG Bild-Kunst, Bon / SABAM Belgium 2024

Après sa mort, l’expressionniste allemand Erich Heckel (1883-1970) a continué d’inspirer de nombreux artistes et même des musiciens. À l’occasion de l’exposition, le MSK a dressé une playlist de morceaux qui cadrent parfaitement avec l’atmosphère de son œuvre et avec l’ambiance de son époque. Laissez-vous entraîner par la musique de cette playlist tout en découvrant l’art d’Erich Heckel. Cet article vous raconte l’histoire de quelques-uns des morceaux sélectionnés.

Écoutez la playlist sur Spotify.

Heroes (David Bowie)

Roquariol est un personnage romantique et tourmenté, hypersensible et traumatisé par la guerre. Il ne fait plus la distinction entre la vie et l’art. Bien que la chanson Heroes de David Bowie ne soit pas liée thématiquement à l’œuvre Roquariol, le choix de ce morceau se justifie malgré tout. Pendant leur séjour à Berlin en 1976, David Bowie et Iggy Pop ont visité une exposition consacrée à Erich Heckel. Tous deux se sont inspirés ensuite de l’œuvre de l’artiste pour la pochette d’un de leurs disques. Chez David Bowie, c’était pour l’album Heroes. Bowie possédait de surcroît quelques œuvres d’Heckel.

Sehr Langsam (Anton Webern)

L’œuvre de Webern est extrêmement laconique, mais chaque son y a son importance. Elle est par conséquent dénuée de toute fioriture. Sehr Langsam exprime une profusion d’émotions : désir, tourment, résignation et peut-être dénouement paisible. Chez Webern, la guerre n’est jamais très loin, et sa musique accompagne par conséquent parfaitement le Verwundeter Matrose (Marin blessé) d’Heckel.

Quasi una Fantasia, String Quartet nr. 2 (Henryk Górecki)

Cette pièce est caractérisée par de simples techniques sérielles répétitives et un attachement à la tradition dans lequel la nostalgie n’est jamais loin. La musique de Górecki, tout comme l’œuvre de Heckel, est chargée émotionnellement. Nous voyons ainsi dans l’œuvre d’Heckel un personnage entièrement replié sur lui-même.

C’est Youkali (Kurt Weil)

Ce morceau mélancolique décrit le voyage à destination d’un pays d’espérance et de désirs. Les symphonies de Kurt Weil sont un produit typique de l’entre-deux-guerres et ont une trame quelque peu cinématographique. L’essentiel se résume en cette petite phrase : « C’est l’étoile qu’on suit, c’est Youkali. »

Maisons le matin est une vision expressionniste de l’Augustijnenrei à Bruges. L’œuvre a échappé aux nazis grâce à l’intervention d’une femme juive entrée dans la clandestinité. Comment mieux rendre hommage à cette œuvre qu’en l’associant à un morceau de Kurt Weil ? Weil s’est lui-même vu contraint d’émigrer en raison de ses origines juives.

Euphoria (James Blake & Labrinth)

« Just take me anywhere » : c’est sans doute ce que les soldats ont pensé lorsqu’ils ont subi de graves blessures. Nostalgie, espoir et consolation. Espoir d’une Euphoria. James Blake parle du désir d’un Walhalla sans doute proche. Après la pluie vient le soleil. C’est aussi ce qu’écrit Heckel dans une lettre : « Aber Frühling werd es doch » (« Mais le printemps viendra quand même »).

The Cold Song (Klaus Nomi)

La Madone qui surgit des flots. « What power art thou? » Ce morceau figure sur le premier album éponyme de Klaus Nomi, The Cold Song. Le texte de la chanson est directement tiré de l’opéra King Arthur d’Henry Purcell. Le message : l’avenir héroïque ne surviendra que dans le Walhalla. Les illusions peuvent être et seront nourries. Tout comme le morceau The Cold Song, l’œuvre au charme nostalgique qu’est Madone d’Ostende (1915) est intemporelle et universelle, d’une transcendance spirituelle qui nous saisit tous à la gorge.

Phantom Studies (Marcel Dettman)

Phantom Studies de Marcel Dettman, surtout connu comme DJ de la boîte de nuit Berghain à Berlin, ajoute une dimension menaçante au tableau Printemps en Flandre de Heckel. Le paysage est ridé et fissuré. Inquiétante et capricieuse, la tragédie s’annonce.

Omega (Qeight, Hoducoma)

Hoducoma s’efforce de faire voir à l’auditeur une autre perspective sur la musique. Une perspective pleine de paysages expérimentaux complexes. Notre boussole interne est mise à l’épreuve dans ce morceau comme dans le tableau Mer du Nord. Les côtés sombres de l’existence humaine ne sont pas éludés. C’est comme si un combat naval permanent faisait rage.

Projection (Morton Feldman)

D’une certaine manière, ce morceau fait penser à « En attendant Godot ». Morton Feldman a été profondément influencé par l’œuvre de Samuel Becket et sa musique, tout comme le tableau Hommes sur la plage, a quelque chose de dépouillé et de profondément pessimiste quant à la nature humaine et à la destinée de l’âme humaine. Feldman a lui-même décrit ses compositions comme « de la musique sans début, sans milieu, sans fin ». Outre un désir de libération des conventions sociales, Projection évoque un univers sonore dans lequel toutes les nuances entre mouvement et immobilité sont explorées.

Écoutez la playlist « Sex, Drugs, and Roquairol » sur Spotify.