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Projet pilote d’IA au MSK : en conversation avec un tableau

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Hier, l’intelligence artificielle était encore cantonnée aux livres de science-fiction et aux cours de mathématiques. Aujourd’hui, elle fait partie intégrante de notre société. Au musée aussi, l’IA peut avoir une fonction. En collaboration avec Lean Mean Learning Machine, le MSK a développé un projet pilote unique en son genre, pour que les visiteurs puissent converser avec les tableaux. Petit entretien avec les concepteurs du système, Dennis et Dries, et la responsable du projet au MSK, Madelein.

Qu’est-ce que l’IA et que rend-elle possible aujourd’hui ?

Dennis (LMLM) : L’intelligence artificielle est la science qui tente d’imiter au mieux l’intelligence humaine. Nous nous occupons plus précisément d’une sous-catégorie de celle-ci : l’apprentissage automatique. En règle générale, un logiciel est programmé pour reconnaître les choses en fonction de certaines caractéristiques. Par exemple : à quoi reconnaît-on une voiture ? S’il y a quatre portes, un pare-brise, quatre roues et un moteur, alors c’est une voiture. Dans le cas de l’apprentissage automatique, on soumet au logiciel 10.000 photos d’une voiture, et il apprend lui-même ce qu’est une voiture.

Ces données sont-elles toujours des images ?

Dennis (LMLM) : Ici j’ai parlé d’images, mais il peut aussi s’agir de texte ou d’audio.

Dries (LMLM) : Les applications de l’IA sont innombrables. Certains utilisent des chiffres, d’autres des codes, des images ou du texte, en fonction de ce à quoi doit servir l’IA. Notre application tourne entièrement autour du texte. La machine simule du langage et des conversations, elle ne permet pas de générer des images.

Pouvez-vous donner quelques exemples d’utilisation de l’IA aujourd’hui ?

Dries (LMLM) : Il y a bien sûr pas mal d’IA pour tout ce qui a trait au texte, comme le célèbre ChatGPT.

Dennis (LMLM) : Le champ d’application de l’IA est en fait gigantesque : cela va de l’imagerie médicale, où l’IA voit parfois des détails qui échappent à l’œil humain, jusqu’à AlphaGo, qui bat les plus grands champions au jeu de GO.

Dries (LMLM) : Et l’IA est bien sûr aussi utilisée pour la génération d’images, c’est la première application à laquelle les gens pensent. Au début, tout cela était un peu bizarre, mais dans l’intervalle l’IA a fait des progrès fulgurants.

Pour le MSK, vous « animez » des tableaux ? Comment dois-je m’imaginer cela ?

Dries (LMLM) : Avec Lean Mean Learning Machine, nous essayons de concevoir différents types d’applications. L’idée d’une « IA conversationnelle », une application pour dialoguer de façon organique, nous est venue il y a un moment déjà. Nous avons ensuite réfléchi à ce à quoi elle pourrait servir. Personnellement, nous avons horreur des audioguides, et nous nous sommes demandé s’il n’y avait pas moyen de consulter ces informations sans devoir écouter un fichier audio de cinq minutes.

Madelein (MSK) : Nous, par contre, nous sommes fans des audioguides (rire) ! Mais nous sommes aussi toujours à la recherche de nouveaux modes de transmission des informations, à la portée de tous, au musée. Nous nous intéressions déjà à l’IA lorsque Dries et Dennis sont venus frapper à notre porte.

Dries (LMLM) : L’IA, et surtout l’image que l’on se fait de l’IA et de son impact sur l’art, est un débat difficile. Je trouve génial que le MSK ait réussi à dépasser cette polémique et se soit rendu compte que l’IA peut jouer un rôle pour soutenir l’art au lieu de le produire. De manière générale, j’observe encore une certaine réticence au sein du circuit des musées. Avec ce projet, nous espérons pouvoir démontrer qu’il y a bel et bien une place pour l’IA dans les musées, qu’elle ne met pas en péril la valeur artistique des œuvres, mais au contraire la renforce et la fait connaître.

Madelein (MSK) : L’IA est dès à présent irrémédiablement présente partout, nous n’allons pas pouvoir l’empêcher de prendre une place dans les musées. Mieux vaut réfléchir dès lors à la place qu’il convient de lui donner dans un musée.

Vous avez choisi deux œuvres de la collection, une du xixe siècle, L’Étable de Jenny Montigny, et une du début du xxe siècle, Femme assise près de la fenêtre de Rik Wouters. Pourquoi ces œuvres-là ?

Madelein (MSK) : C’était ma sélection. Ce sont des œuvres qui se trouvent à un endroit approprié dans le musée, et en plus ce sont des œuvres de femmes ou avec des femmes. Une bonne occasion de laisser par deux fois la parole à une femme : je trouve ça important dans un musée qui ne possède pas tellement d’œuvres de femmes artistes.

Dennis (LMLM) : Ce sont aussi des figures humaines. Pour le visiteur, il est plus logique d’adresser la parole à une femme que de parler à un paysage enneigé ou à une peinture abstraite (rire).

Sur quelles informations vous êtes-vous basés pour l’application ?

Dries (LMLM) : Le « prompt », les informations que l’on fournit à l’IA en fonction des réponses, est un bref résumé des informations que nous jugions les plus importantes : qu’y a-t-il sur le tableau, qui l’a réalisé ? Cela faisait environ 1 page de texte. À propos du contexte historique plus large, nous lui avons donné peu d’informations, c’est quelque chose que le logiciel génère lui-même.

Que voulez-vous dire par contexte historique plus large ?

Dennis (LMLM) : Dans le cas de Jenny Montigny, il s’agit du contexte des ouvriers et des paysans au xixe siècle. Nous mentionnons le siècle, la localisation précise et le début de l’industrialisation dans une seule phrase, et le logiciel extrapole à partir de là.

Dries (LMLM) : On peut toujours poser beaucoup de questions à l’IA qui ne sont pas incluses dans cette phrase. La femme du tableau répond aussi à des questions comme « quel nom donneriez-vous à la vache derrière vous », « quel est votre plat préféré » ou « quelle est votre couleur préférée ».

Avez-vous encore d’autres projets faisant appel à l’IA conversationnelle ?

Dennis (LMLM) : Pour un autre projet-test, nous avons programmé une femme de 90 ans atteinte de démence, avec qui les infirmiers et infirmières en formation peuvent s’entraîner à parler. Le professeur n’a plus besoin de discuter lui-même avec l’étudiant, et l’évaluation devient de surcroît plus objective. Avec le VDAB (le service flamand de l’emploi et de la formation), nous avons aussi examiné comment utiliser l’IA pour que les gens s’entraînent à passer des entretiens d’embauche. Souvent, les gens ne se présentent pas aux entretiens d’embauche parce qu’ils sont stressés : avec cette technologie, ils peuvent mieux s’y préparer et savoir ainsi que faire, même dans le pire des scénarios.

Ce qui est vraiment spécial avec l’IA conversationnelle, c’est qu’on a un lien avec l’application/cette personne. Après vingt minutes de conversation avec Nel, la femme de Rik Wouters, vous oubliez presque que c’est de l’IA.

Un peu comme dans le film « Her ».

Dennis (LMLM) : Effectivement. C’est beaucoup plus émouvant de parler avec quelqu’un que de chatter sur un ordinateur.

Quelle est la réponse la plus comique que vous avez jusqu’à présent reçue de nos tableaux ?

Madelein (MSK) : Quelqu’un a demandé à la femme du tableau d’énumérer les chiffres après la virgule du nombre pi. Ou, lorsque j’étais dans la salle, elle a dit spontanément tout à coup « ça ne sent pas très bon ici », parce qu’elle est dans une étable (rire).

Dries (LMLM) : Pour encourager les gens à nouer la conversation avec le tableau, nous faisons dire spontanément quelque chose à l’IA toutes les x minutes.

Dennis (LMLM) : Je lui ai demandé quel autre tableau elle voudrait être et elle a répondu La Jeune fille à la perle.

Madelein (MSK) : Nous devons encore adapter ça pour qu’elle fasse référence à une œuvre de la collection du MSK (rire).

Pour en savoir plus, consultez la page de Lean Mean Learning Machine.