Commençons par les différences. Contrairement à Baertsoen, De Hem était d’origine plutôt modeste et n’a pas pu profiter de l’aisance financière et du réseau culturel d’une famille comme celle de Baertsoen. Travaillant dans la ville plus provinciale d’Ypres, De Hem a cherché son salut dans la vie artistique officielle et, tout au long de sa carrière, elle est restée fidèle aux cercles des grands salons belges et étrangers. Baertsoen, en revanche, a été actif dans des cercles d’exposition plus diversifiés, plus progressistes également. La principale différence entre les deux artistes réside dans leurs sujets. Tandis que De Hem s’est surtout distinguée en tant que peintre et dessinatrice au pastel de figures, de natures mortes et d’intérieurs, Baertsoen était considéré internationalement comme l’un des principaux peintres du paysage urbain.
Après les différences marquantes, peut-on aussi trouver des ressemblances ? Oui oui, il y en a.
Leur biographie nous apprend qu’ils avaient tous deux une passion pour la musique (qui a même retenu un moment l’attention des journaux locaux). De Hem comme Baertsoen ont suivi des cours privés en dehors des académies, la première auprès de son beau-frère Théodore Ceriez – les portes des académies étaient par définition fermées aux femmes –, l’autre dans les ateliers de Gustave Den Duyts et Jean Delvin.
Les deux artistes ont aussi fait leurs débuts très jeunes : De Hem à Spa en 1885 (et, fin de cette année-là, avec une petite exposition individuelle à l’hôtel de ville d’Ypres), Baertsoen dès 1882 à Anvers. Autre concordance frappante : ils ont tous deux participé pour la première fois au Salon de Paris en 1888.
Des participations remarquées aux grandes expositions organisées en Belgique et en France n’ont du reste pas calmé leur envie de continuer à se perfectionner : De Hem et Baertsoen allaient continuer d’étudier à Paris, De Heem d’abord chez le célèbre peintre Alfred Stevens, ensuite à la tout aussi réputée Académie Julian (1889-91), Baertsoen dans les ateliers d’Henri Gervex et Alfred Roll (1893).
Des analogies sont également à relever au niveau du succès que tous deux ont rencontré et de la multitude de collectionneurs qui se sont intéressés à leur œuvre à l’échelle internationale, quoique dans des milieux différents. Pour construire leur vaste maison-atelier, l’une à Forest, l’autre à Gand, ils ont tous deux fait appel à un architecte Art nouveau bruxellois : Ernest Blérot pour De Hem, Georges Hobé pour Baertsoen. Des photos des intérieurs des deux habitations montrent le lieu spacieux dans lequel leurs œuvres ont vu le jour, mais aussi le caractère bourgeois de leur cadre de vie.
Dernier parallèle saisissant : en 1887, deux ans à peine après ses débuts, De Hem a offert une nature morte représentative de son travail au MSK – un bel exemple de « product placement » de la part de la jeune artiste. Baertsoen, pour sa part, qui avait vendu en 1895 le tableau Matin de neige en Flandres. Cordiers sur les remparts au musée de sa ville natale, lui a offert dans la période 1903-07 une série d’estampes, parmi lesquelles Le Canal du Kromboomssloot à Amsterdam (II), une de ses eaux-fortes les plus réussies. Au passage de l’année 1906 à l’année 1907, il a refusé, avec sa générosité caractéristique envers ses collègues artistes, que la commission du musée lui achète des estampes. Baertsoen a décliné une vente, préférant offrir au MSK ce qu’il demandait. Le budget ainsi libéré a servi à l’achat de deux eaux-fortes d’Armand Rassenfosse, avec qui l’artiste s’était lié d’amitié à la même époque.
L’exposition Albert Baertsoen est malheureusement terminée au MSK Gent, mais une visite de l’exposition Louise/Edith à l’Yper Museum est à recommander chaudement (jusqu’au 12 mars 2023) ! Toutes les infos sur www.ypermuseum.be/louise-edith.