Saint Sébastien libéré par la veuve Irène et sa servante, ca. 1620 - 1625

Grâce au généreux soutien des Amis du Musée, le MSK a pu adjoindre en 2023 à sa collection cette œuvre extrêmement rare de la main de l’énigmatique caravagiste Melchior de la Mars. Elle a été découverte pendant les préparatifs de l’exposition monographique consacrée à un autre caravagiste, Theodoor Rombouts (1597-1637) (printemps 2023, MSK Gent). Comme l’œuvre a subi les outrages du temps depuis sa création, elle a récemment été restaurée en profondeur. À cette occasion, le tableau a fait l’objet d’une étude des techniques et matériaux utilisés pour sa réalisation. Melchior de la Mars est sans conteste une des personnalités artistiques les plus fascinantes qui a été active à Gand au début du XVIIe siècle. Nous disposons malheureusement de très peu d’informations sur sa carrière. Nous savons néanmoins qu’entre 1619 et 1621, il a travaillé à Gand, où il a peint l’impressionnante scène de La Circoncision du Christ (1621, couvent des Augustins, Gand). En 1626-27, nous le retrouvons à Bruxelles. Le corpus de tableaux de De la Mars, tous de nature religieuse, se compte sur les doigts d’une main. Son approche se caractérise par un langage formel à part, tout à fait personnel, où il combine une facture relevant du maniérisme tardif avec un style s’inspirant du Caravage (1571-1610). Le sujet de ce tableau – saint Sébastien secouru par la veuve romaine Irène et sa servante – fait référence à l’histoire du garde du corps de l’empereur romain Dioclétien (vers 243-316), qui fut condamné à être transpercé de flèches à cause de sa foi chrétienne, mais survécut miraculeusement à la peine capitale. La représentation de sainte Irène était très appréciée au XVIIe siècle, parce qu’elle symbolisait la charité chrétienne et soulignait le rôle de soignante de la femme, tel qu’il a été mis en avant pendant la contre-réforme. Thématiquement, la scène peut en même temps être rapprochée du rôle de protecteur contre la peste qui fut attribué à saint Sébastien après sa mort. Cela se voit par exemple au mouvement de convulsion qui est suggéré et à la pâleur des membres – symptômes de la maladie – ainsi qu’au ciel étrange qui est représenté à l’arrière-plan. Ce ciel fait vraisemblablement allusion aux phénomènes naturels menaçants que l’on associait à la peste au XVIIe siècle. Dans les années 1620, période au cours de laquelle ce tableau a dû voir le jour, plusieurs épidémies de peste ont frappé l’Europe – et donc aussi Gand. Dans ces circonstances, le tableau devait incontestablement apporter réconfort et espoir.